Est ce vrai que le tantra privilégie la sexualité comme chemin d’éveil et d’extase ? C’est l’image qui en est véhiculée souvent, et beaucoup disent qu’au contraire c’est une petite partie du tantra. Il est vrai qu’en lisant Abhivanagupta nous entrons dans une philosophie très construite, pas facile d’accès et qui se réfléchit selon les divers courants de l’époque (X-XIième siècles)
Le tantra du cachemire (une de ses branches et celle que je suis) ne s’occupe d’aucun exercice, de respiration, de contrôle, etc, afin d’arriver à un but précis. Si il est question du corps-conscience, du corps comme lieu de félicité, la démarche n’est justement que la conscience posée sur ce qui se vit et sur ce qui est ressenti. La joie et la libération se vivent ici, maintenant, contrairement au bouddhisme et à l’hindouisme où cette vie est une existence d’ascétisme en vue d’un résultat pour l’après vie et pour sortir du cycle des réincarnations. Une forme d’austérité pas très joyeuse en découle. Le tantra du cachemire si il ne cautionne pas l’esclavagisme des pulsions, bien au contraire !, suit la voie du corps dans lequel tout se joue, circule, se transforme. La sexualité est la base de la vie, c’est l’énergie de création la plus puissante et qui a le potentiel d’apporter de grandes extases. Aussi ce tantra fait parfois peur car il est moralement discutable, ambiguë, il laisse à chacun le soin de mettre ses limites, et d’expérimenter. Oui, la sexualité est centrale dans le tantra, même si il n’en est pas question dans toutes les discussions, simplement parce que la sexualité ne se limite pas au coït, ni même à un plaisir de stimulation des organes génitaux partagé, mais parce que la sexualité est part intégrante de la vie toute entière. La façon dont je suis en lien avec tout ce qui m’entoure, le plaisir que j’en reçois, les saveurs dont je me délecte et qui me relient à beaucoup plus, comment je me donne, comment je me sens vivre dans ce corps Temple-Réceptacle. Et quelle est cette articulation entre lien et liberté, entre me mélanger et rester ce qui fait mon unicité, entre cet état d’être qui puise en toutes choses qui me dépassent, et cet état d’être sa propre source ?
Beaucoup de questions qui interrogent les paradoxes, et à la fois la simplicité du plaisir se pose, celui qui dilate le corps, le fait rayonner, sans pour autant prendre l’autre pour objet de son plaisir, l’autre reste toujours autre, mystère et inaliénable. L’autre délivre d’un soi trop étriqué, savoir l’écouter dans les mouvements de son corps, dans son plaisir, comme créer une vague à deux dans laquelle s’immerger. Se donner et faire confiance, ouvrir la conscience sur ce que le corps perçoit et ce qu’il émet. Apprendre ce langage du corps en suivant le chemin qui mène au relâchement, et à sa joie.
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