J’ai envie de donner quelques repères glanés par mes lectures et par l’écoute d’émissions sur le tantra. Savoir de quoi nous parlons est toujours utile et permet de structurer les expériences et les pas. Je fais bien sûr la différence entre le néo tantra, le tantra de la libération sexuelle des années 60, celui d’Osho, et le tantra traditionnel qui n’a rien à voir avec le premier. Les traditions sont gardiennes de savoirs anciens, et si l’ancienneté n’est pas gage de valeur vraie, nous pouvons leur donner du crédit car elles ont été éprouvées par plusieurs générations. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas les analyser, les discuter, les vérifier, déjà pour la simple et bonne raison qu’il y a interprétation de notre part à l’approche des traditions, que nos cultures rien que par les siècles passés sont éloignées.
Que veut dire le mot Tantra ? J’ai relevé plusieurs traductions de ce mot ; texte, tantra veut dire texte, et c’est un corpus de textes (David Dubois) . Une autre (Daniel Odier) le traduit par trame, comme la trame de l’univers. Et une troisième traduction (Françoise Bonardel) est fil, qui revient au fil de Shiva sur lequel il enfile les perles de l’existence. Nous pouvons dire que Tantra est un corpus de textes qui décrit et donne les secrets de la trame de l’univers, où nous y retrouvons toutes les facettes de l’existence réunies telles des perles sur le fil d’un même collier.
Le tantra n’est pas si vieux que ça puisque les premiers textes datent de 600 à 1000 après l’ère commune, bien que Françoise Bonardel avance que cette tradition est antérieure au bouddhisme (-500) et à l’hindouisme (-1500). Le tantra comporte beaucoup de courants, avec trois principaux qui sont liés à la géographie, le tantra de l’Inde, le tantra Kashmirien qui vient de la vallée de l’indus, et le tantra bouddhiste.
Je me sens personnellement plus proche du tantra du Kashmir, parce qu’il est un tantra un peu guerrier, qui ne comporte ne temple ni rituels fixes. Cette tradition a la particularité d’être une voie directe vers la libération, pour cela tous les moyens sont bons, et elle est non duelle c’est à dire que le samsara (cycle des naissances) est inclus dans le nirvana (liberté, paix). Le corps n’est pas opposé à l’esprit, tous les couples de natures opposées sont perçus comme complémentaires. Tout dans l’univers, la création, est sexué, tout est en complémentarité, d’ailleurs la divinité est représenté par un couple, souvent enlacé et en union. Daniel Odier dit que les tantrikas affirment que les dieux n’existent pas, ils ont été créés pour l’homme, mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut par leur rendre un culte ! Evidemment, puisqu’aucune forme ne peut rendre compte du divin, mais nous avons besoin de passer par la forme pour espérer l’atteindre.
Les tantrikas pratiquent un yoga, parfois sans forme, souvent même, or yoga veut dire union.
Et ce qui est interessant c’est que Françoise Bonardel nous dit que l’Unité à atteindre dont nous parlons quand nous évoquons le tantra est une vision très occidentale. Car quoi qu’il en soit l’Unité est là, mais ce qui est à réaliser c’est l’Union ! Et nous avons cette vision déformée du tantra comme une sexualité qui se permet tout… ou alors que l'homme ne doit pas jouir, un peu de morale sur tout ça! Comme tout ce qu'il est possible d'entendre sur la sexualité sacré...
Mais L’Union dont parle le tantra est celle du corps et de l’esprit, c’est celle de l’Union réalisée avec le Tout. Oui le tantra valorise le corps et ses plaisirs, il brise tous les repères, les tabous, il prône aussi une canalisation de nos instincts. Et il ne peut y avoir d’Union réelle avec un ou une partenaire si l’Union ne s’est pas réalisée déjà en soi. Ainsi les pratiques yoguiques des tantrikas se faisaient surtout seuls. Il pouvaient y avoir des orgies dans un but de sortir du connu, de ce qui semble établi, pour trouver une démarche de libération, pour vivre en soi la conscience en dehors de ce qui est pré-établi.
Ce sont quelques traits qui replacent la sexualité dans une dimension plus vaste que la définition généralement admise, là où féminin et masculin ont chacun leur rôle spécifique, bien déterminé. Le féminin donne naissance à toute la structure du monde, elle est action, la Shakti est énergie, et le masculin a le rôle d’architecte, de concepteur, Shiva offre sa semence de façon passive à Shakti. Les deux sont complémentaires, l’un ne peut être sans l’autre. Et il est dit qu’un yogi ayant réalisé l’union devient d’une certaine façon androgyne.
Dans ma démarche tantrique, et dans le massage, c’est le corps, sa dimension, qui est mis à l’honneur, poser la respiration, prendre conscience de ses contours, de ses sensations, pour peu à peu entrer dans un état élargi de conscience où la dimension de l’esprit peut se déposer et voyager. Le corps est vu comme un univers, plein d’étoiles, le vivre en conscience n’est rien d’autre que le vivre dans sa liberté, que de vivre la sérénité d’Être. Cela se fait simplement. Tout passe par le corps.
« N’être pas conscient, c’est n’être pas vivant. » Abhivanagupta.
Eglantine
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